Interventions aux Séminaires Babylone

Pr Maurice CORCOS – Le sacré et le profane dans les représentations picturales des vierges à l’enfant – 7/04/2025 [190]

Pr Maurice CORCOS, psychiatre, psychanalyste

Discutant : Dr Daniel HURVY, psychiatre, psychanalyste

La reconnaissance perceptive et affective de l’enfant par sa mère est une base primaire essentielle assurant la cohésion et le développement du Moi de celui-ci.
Au miroir du visage et du corps de la mère et à ceux de l’enfant, enfant qui la reflète et la valide ou l’invalide en tant que mère, il y a corélation circulaire dynamique de l’identité de la mère et de l’enfant. Il y a coréation, conscience et co-intégration des moi, avant un co-affect et une coexcès.
Il y a genèse réciproque des identités qui sont attribuées, transmises, autorisées... de l’un à l’autre.
La métaphore de la construction de soi dans « l’éclat du regard émerveillé de la mère » mérite d’être explorée dans toute sa profondeur. Nous nous proposons de le faire grâce à l’étude de tableaux — Madonna con bambino issus de l’œuvre de nombreux peintres, sculpteurs et plasticiens.

Certains idéalisants :
Une mère aux yeux de qui on existe, de qui on importe, dont on peut activer la joie ou souiller innocemment la beauté, qu’on peut ravir ou triompher sans risque de représailles, ou qu’elle n’en meure. Une mère qui nous remerciant de l’avoir fait mère, peut laisser un peu deviner de sa vie antérieure ou dont un seul sourire d’enfant peut « déshabiller le visage ». Une mère dans les yeux de laquelle on peut se blottir quel que soit le temps qu’il fait derrière le regard-fenêtre de son âme, où l’on ne risque pas de s’égarer dans la recherche du désir de soi qu’il contient. Tout autant que l’on ne s’y embrase pas dans un reliquat de désir fusionnel... Un soleil que l’on approche par tâtonnements à la recherche d’ajustements réciproques, dans le rythme desquels on peut s’enfouir sans risque d’engloutissement.

D’autres intrigants :
Parfois dans les échanges mère-enfant, la mère éprouve et pense de manière si intense son histoire personnelle, toujours longue et parfois impénétrable pour l’enfant comme pour elle, que celle-ci acquiert pour l’enfant avide, une immense force quasi naturelle. Et une dimension de l’esprit paraît alors s’échapper dans l’espace, et devient presque palpable.

D’autres enfin terrifiants ...
Mais nous insisterons, entre autres, sur le fait que ces deux-là, l’enfant et sa mère, sont, comme dans le tête-à-tête amoureux adolescent, trop proches pour véritablement se voir.
Leur amour est asocial et excluant au point qu’il exclut, un temps, le père... le père qui bientôt marquera le temps de la séparation.

Leurs regards ne regardent qu’eux-mêmes, ils ont quitté la vue. Ils se mirent chacun dans le miroir du visage de l’autre. Ou plutôt ils se rêvent, s’hallucinent, et « nous ne sommes jamais aussi réels que lorsque quelqu’un rêve de nous » disait Borges.
Nous nous interrogerons sur ce qu’ils se transmettent, ce qu’ils trament ?
Nous croyons savoir que c’est dans ce face-à-face, que les transmissions maternelles, conscientes mais aussi inconscientes, font le lit des auto-érotismes chez l’enfant, tant psychiques que corporels (autosensualité), les seconds étant promoteurs des premiers. Autoérotismes, à la source du plaisir du fonctionnement mental quand ils sont nourris de l’objet vivant, et devenant mécaniques mortifères dans le cas contraire. Ce qu’il nous importera d’explorer sera alors, ce qui a eu lieu d’être et ce qui n’a pas eu l’heure d’être, ce qui a eu lieu n’a pas eu lieu d’être charnellement et affectivement, ce qui a eu lieu d’être et a été mis en parole, ce qui a eu lieu d’être et n’a pu être mis en parole, donnant dans une descente à pic dans la chair, un frayage expressif à « ce qui agite la moelle ».

Maurice CORCOS
©2025 Babylone IMM

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